samedi 28 janvier 2017

Hommage à Jacques Penot : un extrait de "Sandra Princesse rebelle"

Jacques Penot vient de nous quitter. RIP
En sa mémoire nous vous proposons de le retrouver aux côtés de Viktor Lazlo dans un extrait de la série de TF1 de 1995 "Sandra Princesse rebelle"

samedi 21 janvier 2017

ITW Viktor Lazlo "Chanter en Martinique, c'est la récompense"

Viktor Lazlo donnait un récital intitulé "Trois femmes : Ella, Sarah, Billie", à Tropiques Atrium le 13 janvier. Il s'agit d'Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan et Billie Holliday, trois chanteuses noires américaines dont la martinico-grenadienne se sent proche.
Pourquoi avoir choisi ces femmes ?
A force de chanter ce répertoire de jazz du XXe siècle, je n'avais pas envie d'en sortir et il était assez aisé de sortir une corrélation entre ces trois chanteuses et je me suis amusée à trouver des similitudes, des différences et des chansons communes.
Vous avez écrit un livre sur Billie Holliday (My name is Billie Holliday, Albin Michel 2012), est-cela qui a été votre porte d'entrée ?
Forcément, vous rencontrez tous les contemporains de Billie Holliday quand vous travaillez aussi profondément un sujet. Ces trois femmes ont eu chacune une carrière fulgurante et très importante, mais en réalité, elles ont subi toutes les trois les mêmes écueils. Elles se sont toutes les trois retrouvées dans la même situation à une époque où il valait mieux ne pas être noire ni femme dans l'Amérique ségrégationniste.
Qu'est-ce qui caractérise votre relation avec chacune d'elles ?
La relation la plus profonde que j'ai, c'est évidemment avec Billie Holliday puisque c'est elle que j'ai cotoyée le plus longtemps, depuis 2009, quand j'ai commencé à travailler le spectacle "My name is Billie Holliday". Pour elle, ce qui me vient à l'esprit, c'est le mot "résistance", même si elle a fini par succomber à ses démons — quoique ce ne sont pas ses démons qui ont eu raison d'elle, c'est le monde dans lequel elle est née et a vécu et dont elle n'a pas su sortir faute d'avoir les armes nécessaires. Pour Ella Fitzgerald, c'est la longévité. Sarah Vaughan est une femme issue de la petite bourgeoisie, avec des parents très croyants et un environnement familial plus solide que celui d'Ella ou de Billie, mais ça ne l'a pas empêché de quelque fois d'être attirée par certain paradis peu recommandable...
A croire qu'être chanteuse à cette époque, c'était vraiment très compliqué. C'était associé au gutter, au caniveau, d'une certaine manière. Toutes les trois pensaient d'abord devenir danseuses parce que c'était sans doute plus respectable que chanteuses.
Vous êtes aussi noire et chanteuse. Vous identifiez-vous à elles ?
Je me sens très proche de ces femmes parce qu'elles ont lutté pour trouver leur place. Il y a une sérieuse et très forte résonnance avec la femme en général et jusqu'à aujourd'hui. Ces trois femmes résument à elles seules, cette insupportable et continuelle question de la place de la femme dans la société. Il est temps que les femmes n'aient plus à trouver leur place ; il est temps que la femme soit une évidence dans les sociétés.
La musique, le chant, l'art sont votre moyen pour prendre cette place ?
Je la prends comme je peux. J'aurai beaucoup aimé être une femme politique, non pas dans le sens réducteur auquel la politique nous renvoie aujourd'hui, mais politique dans son sens littéral. J'aurai aimé avoir le courage de mener ouvertement ces combats...
Vous les menez au travers de ce spectacle...
C'est un récital avec un désir de réinterpréter ces chansons, de ne pas les livrer telles qu'on les connaît. J'ai voulu une formation resserrée autour du piano de Michel Bisceglia, les guitares d' Olivier Louvel, avec une section rythmique limitée à la contrebasse de Gilles Coquard. Cette formation nous oblige à une grande pureté des arrangements. On le tourne depuis sa création en 2015 au théâtre Hebertot à Paris.
C'était votre deuxième fois en Martinique...

La première fois que je suis venue me produire en solo en Martinique — c'était en 2013 alors que je chante depuis 1987 —, c'était grâce à la Scène nationale. Et là, je dis chapeau et merci ! J'étais très émue... Je ne m'attendais pas à cet accueil. C'est comme si tous les gens qui étaient dans la salle étaient ma grand-mère, comme s'ils étaient tous de ma famille et c'était la première fois que je les rencontrais alors que je vais en Martinique depuis que je suis toute petite... Alors évidemment, j'étais morte de trouille à l'idée d'y retourner. Je sais que mon chemin n'est pas fini, mais il y a quelque chose de l'idée de l'achèvement dans le fait de venir chanter en Martinique.
Pour moi, c'est une récompense, c'est la récompense !
Quels liens avez-vous gardé avec La Grenade d'où votre mère est originaire ?
Je n'ai jamais chanté là-bas et personne ne m'y connait ! Mes parents y retournent chaque année et l'été prochain, on se retrouvera là-bas. Grenade revient dans mon paysage idéal... Ma mère en est partie en 1958 pour aller à Londres, mais le départ de toute ma famille a eu lieu à partir de 1984. A l'issue du coup d'Etat qui a renversé Maurice Bishop qui était le cousin de ma mère, les Etats-Unis se sont sentis coupables de quelque chose et tous les Grenadiens qui le voulaient ont eu des cartes vertes et des permis de travail... Aujourd'hui, toute ma famille grenadienne vit à New York.
Vous êtes vraiment une caribéenne...
C'est vraiment ce qu'Edouard Glissant appelait le Tout-monde et vous ne pouvez pas savoir à quel point, plus je vieillis, ça me remonte de partout. D'ailleurs, mon prochain texte est explosé entre l'Afrique, la Caraïbe, la France, la Pologne tant je me sens des ramifications partout. Il est urgent de continuer à marteler et à poser les tragédies de notre humanité sur papier ou à les transmettre oralement, parce que ces choses là sont en train de mourir. Ca va encore plus vite pour l'esclavage que pour la Shoah plus récente, mais on est en train d'effacer progressivement les événements liés au commerce triangulaire. Ca me révulse, ça me dégoute quand on parle de colonisation comme François Fillon en a parlé. Je trouve que c'est un vulgaire crachat à la tête de tous les pays colonisés. Mon prochain texte expose, dans une saga universelle, une histoire du Tout-monde avec l'esclavage et la Shoah, les choses face à face pour essayer de faire réfléchir les gens. C'est un roman épique qui montre qu'on peut posséder dans son ADN toutes les erreurs de l'humanité. Le titre sera sans doute "Des deux côtés du monde" et sortira prochainement chez Grasset.
Et côté comédie, où en êtes-vous ?
Il est dit que je suis comédienne parce que j'ai accepté des rôles dans des films et des séries à une époque où je devais nourrir mon fils, mais à partir du moment où il a pris son envol, je n'ai pas éprouvé le besoin de continuer à l'exception des propositions vraiment intéressantes qu'on me ferait et ça n'est pas arrivé !
Propos recueillis par FXG, à Paris
Crédit photos : Vanessa Filho

samedi 14 janvier 2017

Viktor Lazlo, une voix pour trois femmes

La chanteuse s'installe une soirée à Tropiques-Atrium pour un spectacle dédié à trois icônes du jazz : Billie Holiday, Sarah Vaughan et Ella Fitzgerald. Des voix pour dire l'universalité du jazz à travers le destin de trois femmes.

Sa simplicité rime avec une grâce toute naturelle, mais la comédienne, actrice et chanteuse n'en laisse pas découvrir un pan. Sans fard, ni faux semblant, elle s'est présentée hier pour une rencontre avec la presse. Alors que, spontanément, on s'incline à lui dire « Bienvenue chez vous » , Viktor Lazlo respire fortement et lâche : « Ça fait du bien d'être ici » . Comme pour dire qu'elle est Caribéenne et que dans ses veines coulent trois fleuves, en paraphrasant le poète guyanais Léon Damas. Car il y a en elle un cosmopolitisme enrichissant : père martiniquais et mère grenadienne, née en terre bretonne, son nom de naissance est Sonia Dronnier.
Le spectacle qu'elle présente ce soir est le fruit d'une première rencontre avec Billie Holiday dans une mise en scène du dramaturge et romancier Eric-Emmanuel Schmitt. La pièce, jouée 180 fois, y compris en Martinique en décembre 2012, fut comme une mise en bouche qui va susciter l'appétit en allant plus loin dans la convergence des mémoires du jazz.
Trois femmes, Ella, Sarah et Billie, « c'est une manière de perpétuer une mémoire » , reconnaît l'artiste. Et quelle mémoire ? Celle d'un répertoire du jazz de l'époque de la Black Renaissance à l'aube du free-jazz en passant par le bebop. C'est aussi la mémoire du croisement de ceux qui ont donné leurs noms à l'histoire du jazz : Cole Poter, Duke Ellington...
« SYMBOLIQUES DE LA CONDITION DES FEMMES »
Mais aussi et surtout Ella, Sarah et Billie sont trois femmes dont le vécu résonne fortement dans l'actualité de tous les jours et dans tous les pays. « Elles soulèvent le problème de la femme contemporaine à travers la violence qui lui est faite et les inégalités qu'elle subit » , souligne Viktor Lazlo. Et d'insister : « Elles sont symboliques et symptomatiques de la condition des femmes. » A l'écouter parler de ces grandes voix, on en conclurait que Viktor Lazlo fait ressortir l'universalité du combat féministe par le biais d'une musique non moins universelle : le jazz.

- Vendredi 13 janvier à 20 heures, salle Aimé-Césaire, à l'Atrium, à Fort-de-France - Chant, Viktor Lazlo, piano et direction musicale, Michel Bisceglia, contrebasse, Gilles Coquard et guitare, Olivier Louvel